Peindre au pastel sec avec Noun

Le regard du pastelliste

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 - Une œuvre que l’on admire n’est pas un « premier jet » ni une œuvre « spontanée » exécutée sous la pulsion d’un coup de foudre ! Elle est pensée, réfléchie, préparée.
 - Le pastel est une technique réputée, à tort, très difficile. Pour la pratiquer, comme pour les autres techniques picturales, il suffit de le vouloir et … de travailler, travailler, encore travailler !

 - Le plaisir et la satisfaction que l’on en tire sont bien plus grands que le mal que l’on se donne.
 - Sans connaissance technique, vos œuvres au pastel sec seront toujours pleines de maladresses et d’erreurs. La correction d’une erreur importante, de dessin ou de coloration, est souvent impossible au cours de l’exécution de l’œuvre.
 - Vous devez connaître parfaitement les qualités des différents supports et celles des différentes sortes de pastels, pour en obtenir le meilleur.

RESPIREZ
   J’attache beaucoup d’importance à une bonne ventilation du peintre. Elle lui apporte l’aisance du geste et la concentration nécessaire dans l’élaboration de l’œuvre. Travaillez à corps perdu pour libérer votre esprit, vous ne serez jamais fatigué ! Une pause au minimum toutes les 30 ou 40 minutes, permet de clarifier et d’équilibrer le regard sur l’œuvre.

   N’hésitez pas à prendre du recul pour globaliser votre regard et à vous approcher du sujet pour observer, analyser sa structure et son modelé, percevoir les lignes de force intérieures.

TOUT EST LUMIERE
   Chaque grain de pigment du pastel est un filtre qui renvoie une fréquence lumineuse « pure ». Appliqués légèrement sur le support, les pigments s’orientent tous dans le même sens ce qui amplifie la vibration lumineuse tout en favorisant l’accrochage sur le support. Une touche trop vigoureuse provoque un empâtement  qui interdira de passer la couche suivante et ne résistera pas aux chocs ni aux variations de température.

   Ne croyez pas que l’usage du fixatif résoudra le problème. Par contre vous constaterez qu’il ternit ou modifie toujours les couleurs.
   L’estompage est à proscrire en général. Il détruit l’arrangement naturel des pigments en les couchant et les écrasant. Ceci a pour effet de réduire la vibration lumineuse et, dans le cas de voisinage de pigments de nuances différentes, de donner un effet grisâtre, voir farineux. 
   L’emploi de l’estompage doit être raisonné et réservé à la création de transitions ou pour  placer la partie estompée en arrière-plan du sujet principal. A l’inverse de l’estompage, des séparations nettes ont pour effet de placer ces parties en premier plan.
   Travaillez vos nuances de couleur « clair sur sombre ». Les couleurs doivent toujours être choisies un ton en dessous de la teinte définitive. Posez rapidement une teinte de valeur moyenne en référence (vous ne regretterez jamais d’avoir en réserve la possibilité, en phase de finition, d’éclairer une teinte claire ou de foncer une teinte sombre).
   Rien n’interdit de travailler « sombre sur clair », en particulier pour créer des effets de transparence. Cette pratique, qui requiert une excellente maîtrise du pastel, permet d’exprimer des vibrations très « douces ».
   L’ennemie de la lumière, c’est la lumière ! Chaque pastelliste doit veiller à éliminer de son sujet toutes les lumières inutiles, parasites ou réfléchies. Ce n’est pas toujours possible, mais le peintre est libre de sa représentation. L’observation attentive du sujet permet d’identifier et d’ignorer les « lumières impossibles » qui, si on les représentait, créeraient des distorsions visuelles, en avançant ou reculant la partie concernée dans la perspective (cela devient très technique !).

De la méthode

   Chaque pastelliste expérimenté a ses tours de main pour s’exprimer, quel que soit son style et sa sensibilité. Pour y parvenir, il a préalablement assimilé  les bases techniques et méthodologiques du pastel sec (je n’aborde pas les techniques mixtes).
   Avant  de dessiner et peindre le sujet sur le support, il ne faut pas hésiter à exécuter plusieurs croquis colorés pour l’étudier et trouver la meilleure expression.
   Le choix du support est fondamental et correspond toujours à la nature de l’œuvre (étude, rapidité d’exécution, format, etc.) et aux types de pastels utilisés.
   Attention de ne pas agresser le support par une touche trop vigoureuse ou des pastels  de mauvaise qualité.

   La première étape  consiste à dessiner son sujet. Le dessin est exécuté de préférence au crayon pastel en traits légers sans appuyer (un bon test : si vous frapper légèrement  avec un chiffon le dessin, il doit disparaître). Au stade dessin il est possible de rectifier les erreurs avec une gomme « mie de pain ». 

   La seconde étape  permet d’obtenir les modelés et de préciser les différents plans du sujet.
   A l’aide de 2 crayons pastel, clair pour les zones de lumières et sombre pour les lumières tamisées et les parties ombrées, matérialisez les différentes valeurs de lumières et d’ombres par des hachures plus ou moins accentuées (variante, vous pouvez effectuer cette opération avec des pastels durs). Au fur et à mesure que l’on s’éloigne du premier plan les hachures deviennent de moins en moins visibles.
   Eviter les aplats qui tuent les vibrations de la lumière et limitent l’accrochage du pastel.
   Vous pouvez fixer votre travail avec du fixatif après l’avoir vérifié, juste un léger voile destiné à figer vos repères et redonner un peu d’accroche. (Avant de peindre prenez le temps de vérifier votre préparation, cherchez et corrigez les erreurs, après il est trop tard). 

   La mise en peinture  Bien qu’il soit recommandé de « monter la peinture » du sujet tout à la fois, l’artiste travaille de haut en bas pour que la poudre qui tombe ne vienne pas salir les parties basses de l’œuvre. On réduit cet inconvénient au maximum en disposant verticalement le support sur le chevalet.
   L’application de la couleur se fait par couches successives très légères en commençant avec les pastels les plus durs(1). Pour chaque couche on travaille les valeurs en rééquilibrant toutes les nuances ; les contrastes ; les plans ; les modelés. La tendance étant au débordement il faut redessiner en permanence son sujet à partir des repères qui ont été pris.
   Une couche est terminée lorsque l’on atteint la limite d’accrochage des pigments.
   Pour la couche suivante on pratique de la même manière avec des pastels un peu plus tendres. La poudre plus tendre viendra s’accrocher sur les grains plus durs sans les arracher. Un bon pastelliste parvient ainsi à superposer cinq couches et plus, créant ainsi des effets de lumière extraordinaires.
   A la fin des premières couches il est possible de passer un léger voile de fixatif(2) pour redonner de l’accroche si vous avez eu la main un peu lourde en poudre de pastel. Il est prudent, avant de passer le fixatif, d’éliminer l’excèdent de poudre en tapotant légèrement le support.
   Au stade peinture il est possible de pratiquer des petites corrections :
   -  Il est possible d'enlever les excès de poudre délicatement avec un petit pinceau en veillant à ne pas détruire l’arrangement des pigments, pour ma part je préfère utiliser une craie dure passée très légèrement.
    - L’emploi de la gomme est à proscrire. Lorsque le trait est fin, il est possible de le modifier en le coupant par un autre trait d’une autre nuance. Lorsqu’il est trop épais vous avez un problème. 

   En phase de finition  placez vos lumières avec des pastels très tendres. Vous pouvez utiliser un crayon pastel ou un pastel dur de nuance appropriée pour fusionner les plans entre eux et; pour adoucir les lumières.
   Attention à la fatigue qui pousse à user abondamment d’une même nuance sur tout le support, en oubliant de se référer au modèle et en effaçant les repères. En quelques minutes une peinture magnifique deviendra quelconque et irrécupérable.
   Si votre touche manque de tact avec le support et écrase les pigments, ceux-ci vont rapidement « graisser ». Votre travail s’encrasse, devient lisse et brillant et se refuse à accrocher de nouveaux pigments (Certains pigments plus que d’autres favorisent le « graisssage », vous apprendrez très vite à les reconnaître). Dans ce cas n’insistez pas, recommencez votre travail ! 

Le pastel n’a pas de secret. Il suffit d’utiliser les meilleurs produits, pigments et supports et suivre les recommandations de la pastelliste normande Francine Conseil : « Il faut tout exiger de soi et avoir le courage de se laisser dépasser par sa création, alors seulement une œuvre peut prendre vie et révéler le rapport du peintre au monde et aux autres ».

 1)  Pour une même nuance pure de pigment, les fabricants proposent des bâtons de pastel en  dégradé de la nuance. Ceux-ci sont obtenus par incorporation de charges (kaolin, blanc d’Espagne, noir animal, etc.), ce qui a pour effet de les rendre plus pulvérulents, plus tendres. On les dit saturés au blanc ou au noir.

2)  Attention de ne pas boucher les petites cavités entre chaque grain de pigment par un excès de fixatif,  ce qui aurait pour effet de ternir vos couleurs      (la lumière étant moins bien réfléchie) et de limiter la capacité d’accrochage de nouvelles couches de pastel. L’idéal serait d’utiliser un fixatif de composition identique au liant employé par le fabricant pour agglomérer les pigments et charges.  Certains fixatifs jaunissent où assombrissent les couleurs avec le temps.